Septième étape du pèlerinage d’Omer Colson et Frère Alexis sur les traces de Saint-Benoît Labre en Provence : Pourrières

Pourrières

Dans le village, les vieilles maisons en pierres à la couleur du Sud, serpentent le long de ruelles étroites vers une belle place où se trouve l’église paroissiale Saint-Trophyme.

Cette ville abrite la tombe d’un disciple de saint Benoît-Joseph Labre, le frère Humilis Germain Nouveau. Sa tombe se trouve le long du mur ouest du cimetière, face à la montagne Sainte Victoire.

Germain Nouveau est mort le 4 avril 1920, âgé de 69 ans. Il fut retrouvé trois jours après son décès, à l’intérieur de sa maison de Pourrières, le corps gisant sur un grabat à même le sol, recroquevillé des suites d’un jeûne trop prolongé. Germain s’est identifié complètement à son maître Benoît-Joseph Labre. C’est comme lui qu’il mourut en pauvre en pleine période de semaine sainte.

« Mais en Dieu, Frère, sache aimer comme toi-même Ton frère, et, quel qu’il soit, qu’il soit comme toi-même ».

Germain Nouveau naquit à Pourrières le 31 juillet 1851. Il était le fils de Félicien Nouveau, né en 1826, et d’Augustine Silvy, née en 1832. Ils se marièrent en 1850. De cette union naquirent, en 1851, Germain qui était l’aîné de la famille, en 1854, sa sœur Elisabeth, en 1855, sa sœur Laurence et en 1857, sa sœur Marie.

En 1858, Germain et ses sœurs perdent leur mère, âgée de 26 ans, des suites d’une grave maladie.

Félicien déménage suite au décès de sa femme et s’installe avec ses enfants à Paris où il trouve un travail et dirige un temps une fabrique sans succès. Il revient à Aix-en-Provence où il travaille dans une usine de produits alimentaires.

La vie suivra son cours jusqu’en 1864 où il décède à son tour à l’âge de 38 ans. Germain et ses sœurs sont orphelins. Encore jeune, il n’a que treize ans, il intègre comme interne le petit séminaire d’Aix et songe à devenir prêtre, puis en 1871 il entre au lycée de Marseille et y passe une année. Puis en 1872, il emménage à Paris, de là paraissent ses premières publications « Sonnet d’été » dans la revue d’Émile Blémont. Il se joindra au groupe des vivants dont faisait partie Raoul Ponchon, forain, et Jean Richepin. C’est à cette époque qu’il rencontre Arthur Rimbaud, et partira avec lui une année à Londres.

En mars 1874, il voyage en Hollande, en Belgique, et se réinstalle de nouveau à Londres afin de perfectionner son anglais. Il y fait la connaissance de Paul Verlaine en mai 1875 qui lui fera connaître le Saint de l’Artois. Il partagera avec lui une grande passion pour saint Benoît-Joseph Labre. Revenu à Pourrières, où il fréquente Marguerite Negrel, Nouveau songe à ressusciter les chansons populaires provençales qu’il veut traduire en français. Mais ce projet n’aboutit pas et Nouveau repart à Paris. Il visite, à Amettes, la maison de saint Benoît-Joseph Labre et il est impressionné par ce moine mendiant, bien connu des Provençaux pour avoir séjourné dans la grotte de Chicalon, près d’Aix-en-Provence.

Les années suivantes, il sera employé comme professeur de dessin par le ministère de l’Instruction publique et compose pendant cette période des poèmes mystiques et religieux, qu’il tentera en vain de faire éditer. Le 14 mai 1891, il est frappé en plein cours d’une crise de folie mystique qui le conduit à un internement de plusieurs mois à l’hôpital Bicêtre. À sa sortie, il reprend ses voyages, en gagnant sa vie en réalisant des dessins, puis de plus en plus à partir de 1899, il s’installe dans la pauvreté et pratique la mendicité en vivant d’expédients. À Paris, il sera même considéré comme un clochard et décide de partir en pèlerinage sur les routes de Saint-Jacques. Pèlerin à la suite de saint Benoît-Joseph Labre, il ira à Rome et se fera expulser d’Italie pour mendicité. Les poèmes de cette époque seront publiés après sa mort. Il revient épuisé à Pourrières en 1911 et y décède en 1920.

Un vieux clocher coiffé de fer sur la colline. Des fenêtres sans cris, sous des toits sans oiseaux. D’un barbaresque Azur la paix du Ciel s’incline. Soleil dur ! Mort de l’ombre ! Et Silence des Eaux.

Germain Nouveau (Frère Humilis)

Adresse de la maison du poète où il habita 9 ans et mourut le 4 avril 1920 :

Maison de Germain Nouveau

A l’angle de la rue d’Humilis, au N°5 de la rue Germain Nouveau

83910 Pourrières (VAR)

« Frère, ô doux mendiant qui chantes en plein vent, Aime-toi, comme l’air du ciel aime le vent ».

Poésies la doctrine de l’amour (Extrait de Poésies d’Humilis et vers inédits de frère Germain Nouveau Humilis )

C’est Dieu qui conduisait à Rome,

Mettant un bourdon dans sa main,

Ce saint qui ne fut qu’un pauvre homme,

Hirondelle de grand chemin,

Qui laissa tout son coin de terre,

Sa cellule de solitaire.

Et la soupe du monastère,

Et son banc qui chauffe au soleil,

Sourd à son siècle, à ses oracles,

Accueilli des seuls tabernacles,

Mais vêtu du don des miracles

Et coiffé du nimbe vermeil.

Le vrai pauvre qui se délabre,

Lustre à lustre, été par été,

C’était ce règne, et non saint Labre,

Qui lui taisait la charité

De ses vertus spirituelles,

De ses bontés habituelles,

Léger guérisseur d’écrouelles,

Front penché sur chaque indigent,

Fière statue enchanteresse

De l’austérité, que Dieu dresse,

Au bout du siècle de l’ivresse,

Au seuil du siècle de l’argent.

Je sais que notre temps dédaigne

Les coquilles de son chapeau,

Et qu’un lâche étonnement règne

Devant les ombres de sa peau

L’âme en est-elle atténuée ?

Et qu’importe au ciel sa nuée,

Qu’importe au miroir sa buée,

Si Dieu splendide aime à s’y voir !

La gangue au diamant s’allie

Toi, tu peins ta lèvre pâlie,

Luxure, et toi, vertu salie,

C’est là ton fard mystique et noir.

Qu’importe l’orgueil qui s’effare,

Ses pudeurs, ses rebellions

Vous, qu’une main superbe égare

Dans la crinière des lions,

Comme elle égare aux plis des voiles,

Où la nuit a tendu ses toiles,

Aldébaran et les étoiles,

Frères des astres, vous, les poux

Qu’il laissait paître sur sa tête,

Bon pour vous et dur pour sa bête,

Dites, par la voix du poète,

A quel point ce pauvre était doux !

Ah’ quand le Juste est mort, tout change

Rome au saint mur pend son haillon,

Et Dieu veut, par des mains d’Archange,

Vêtir son corps d’un grand rayon

Le soleil le prend sous son aile,

La lune rit dans sa prunelle,

La grâce comme une eau ruisselle

Sur son buste et ses bras nerveux

Et le saint, dans l’apothéose

Du ciel ouvert comme une rose,

Plane, et montre à l’enfer morose

Des étoiles dans ses cheveux !

Beau paysan, ange d’Amettes,

Ayant aujourd’hui pour trépieds

La lune au ciel, et la comète,

Et tous les soleils sous vos pieds

Couvert d’odeurs délicieuses,

Vous, qui dormiez sous les yeuses,

Vous, que l’Eglise aux mains pieuses

Peint sur l’autel et le guidon,

Priez pour nos âmes, ces gouges,

Et pour que nos coeurs, las des bouges,

Lavent leurs péchés noirs et rouges

Dans les piscines du pardon !

Je naquis à Pourrières petit village provençal le 31 juillet 1851 à 10h du matin

Pour modèle saint Benoît-Joseph Labre moine mendiant :

Mais tout cela m’ennuie et je désire retrouver Paris qu’en ma prime jeunesse j’avais embrassé. Arrivé dans la capitale en 1872 je fréquente le groupe des « Vivants » et je collabore à l’Album zutique : de là paraissent mes premières publications en revues.

En ce temps là, je côtoie Richepin, Cros, Mérat, Bouchor, Ponchon et deviens un habitué du Salon de Nina de Villars.

C’est au café Tabourey fréquenté par des peintres et écrivains que je suis assis avec des camarades lorsque soudain la porte s’ouvre et entre un jeune homme en criant une grossièreté banale, il va s’asseoir à une table, seul. Il a environ dix neuf ans, un regard d’ange sur un visage joufflu sous des cheveux en broussaille, un corps long et fluet, de grands pieds, des mains rudes et rouges, c’est Arthur Rimbaud.

 

La gêne et le silence s’installent avec cette entrée plus que fracassante et je suis fasciné, je vais vers ce jeune homme, je me présente. Le lendemain, nous partons pour Londres où nous vécûmes une saison. Qui de nous deux quitta l’autre ? Je ne sais plus très bien mais ce que je sais, c’est que plus jamais je ne devais revoir Arthur.

Verlaine publie en 1895, les Œuvres Complètes d’Arthur Rimbaud dans lesquelles il intègre le poème « Poison perdu ». Plus tard, on reconnaîtra que j’en étais l’auteur et j’évoquais d’ailleurs, avec ce poème, la fin de ma liaison avec Arthur.

Il est  des 4 enfants[2] de Félicien Nouveau (1826-1884) et de Marie Silvy (1832-1858).

 

Germain Nouveau naquit à Pourrières en Provence le 31 juillet 1851 de

Félicien Nouveau son père né en 1826, et de Augustine Silvy sa mère né en 1832 il se marièrent en 1850. De cette union naissent en 1851  Germain qui est l’aîné d’une famille de quatre enfants, ses sœurs, Elisabeth en 1854 ; Laurence en 1855 ; et Marie en 1857.
En 1858 Germain et ses sœurs perdent leur mère de 26 ans  des suites d’une grave maladie et sera élevé par son grand-père.

Félicien déménage suites au décès de sa femme et s’installe avec ses enfants à Paris trouve un travail et dirige un temps une fabrique de nougat sans succès, il reviens à Aix en Provence est travaille dans une usine de Pâtes.

La vie suivra son cours jusqu’en 1864 ou son père décède à son tour à l’age de 38 ans. Germain et encore jeune à treize ans il intègre comme interne le petit séminaire d’Aix et songe à devenir prêtre qu’il quittera. et une année d’enseignement au lycée de Marseille en 1871-1872, Germain arrive à Paris à l’automne 1872.

 

Il publie son premier poème, Sonnet d’été, le 30 novembre suivant dans la revue d’Émile Blémont, La Renaissance artistique et littéraire. Germain fait rapidement connaissance avec Jean Richepin et ses « Vivants » (Ponchon, Bouchor, Carjat, Valade…), qui se réunissent au café Tabourey, à l’angle de la rue de vaugirard et de la rue Rotrou.

Il fréquente aussi les zutistes, et découvre dans l’album zutique les poèmes laissés par Rimbaud et Verlaine, qui ont quitté la capitale depuis juillet 1872.

 

Nouveau rencontre Rimbaud en 1873 et part avec lui à Londres en mars 1874. Après avoir voyagé en Belgique et en Hollande, il se réinstalle à Londres afin de se perfectionner en anglais. Il y fait la connaissance de Verlaine en mai 1875. Ce dernier lui a adressé quelques semaines plus tôt, afin qu’il soit publié, le manuscrit des Illuminations que Rimbaud lui avait remis à Stuttgart (Verlaine ne s’établira à nouveau en France qu’en 1882).

 

On voit souvent Germain chez Nina de Callias, 82 rue des Moines, à la fin des années 1870.

Employé entre 1878 et 1883 au ministère de l’Instruction publique, il collabore au Gaulois et au Figaro et compose pendant cette période des poèmes d’inspiration religieuse, qu’il tente sans succès de faire éditer par Palmé. Il obtient le certificat d’aptitude à l’enseignement du dessin et devient professeur de dessin à Bourgoin, à Remiremont, puis au lycée Janson de Sailly à partir de 1888. C’est là que, le 14 mai 1891, il y est frappé en plein cours d’une crise de folie mystique qui le conduit à un internement de plusieurs mois à Bicêtre. Libéré, il reprend des voyages, gagnant sa vie en réalisant des portraits et pratiquant la mendicité. Lorsqu’il n’est pas clochard à Paris, il est pèlerin quelque part sur une route d’Europe. Ses vers sont souvent remplis d’allégresse. Ils seront surtout publiés après sa mort, en particulier grâce aux surréalistes.

Il revient vivre à Pourrières en 1911 et y décède en 1920.

 

Voici quelques-unes de ses adresses connues : 16 rue de Vaugirard vers 1872 ; 11 rue Auber en 1875 ; 233 rue Saint-Jacques en 1876 ; 24 rue Bonaparte en 1878 ; 34 rue des Boulangers en 1878 (où il demeure apparemment avec Jean Richepin ; cité Malherbes en 1879 ; 49 rue Pigalle en mars 1879 ; place Saint-Sulpice en 1881 ; 238 (ou 328) rue Saint-Jacques en 1881 (sans doute avec Ernest Delahaye) ; 80 boulevard Saint-Germain en 1882 ; 19 boulevard Rochechouart en 1883 ; 135 boulevard Montparnasse en 1885 ; 6 rue de l’Arrivée en 1886 ; 130 ter boulevard de Clichy en 1889 ; 104 rue d’Amsterdam en 1890 ; 19 rue Nicole en 1891 ; 7 rue Durantin en 1891 (et/ou en 1879) ; 45 rue Mouffetard en 1903 ; 5 rue de Varenne en 1904 ; rue des Saints Pères ; 3 rue de Chomel ; 66 rue de Grenelle en 1907.

 
En proies avec lui-même, instable et voyageur il fera d’incessants allers-retours à l’étranger, en Angleterre, ou au Liban.
Paul Verlaine à Arras l’accueille  en 1881 c’est à cette époque qu’il terminera son oeuvre poétique La Doctrine de l’Amour  ou « Humilis », qu’il cherchera à détruire comme la plupart de ses œuvres. Grâce à un ami certaine seront sauvé in extremis, dépositaire du manuscrit Léonce de Larmandie les publiera sous le nom de « savoir aimer »
professeur en 1886 au lycée Janson de Sailly, mais des suite d’une dépression nerveuse et en proie à des hallucinations il quittera son poste et sera interné. Les années qui suivront seront les conséquence de son délire mystique et mélancolique, il sera tour à tour mendiant à Paris , vagabond à Aix-en-Provence, et pèlerin sur les routes  de saint Jacques, en Italie etc. …. Il décède pendant la semaine sainte du 4 avril 1921à l’age de soixante neuf ans, des suites d’un jeune trop long, dans sa maison de Pourrières, son village natal.

 

Fraternité

Frère, ô doux mendiant qui chantes en plein vent,
Aime-toi, comme l’air du ciel aime le vent.

Frère, poussant les bœufs dans les mottes de terre,
Aime-toi, comme aux champs la glèbe aime la terre.

Frère, qui fais le vin du sang des raisins d’or,
Aime-toi, comme un cep aime ses grappes d’or.

Frère, qui fais le pain, croûte dorée et mie,
Aime-toi, comme au four la croûte aime la mie.

Frère, qui fais l’habit, joyeux tisseur de drap,
Aime-toi, comme en lui la laine aime le drap.

Frère, dont le bateau fend l’azur vert des vagues,
Aime-toi, comme en mer les flots aiment les vagues.

Frère, joueur de luth, gai marieur de sons,
Aime-toi, comme on sent la corde aimer les sons.

Mais en Dieu, Frère, sache aimer comme toi-même
Ton frère, et, quel qu’il soit, qu’il soit comme toi-même.

 

Un vieux clocher coiffé de fer sur la colline.

Des fenêtres sans cris, sous des toits sans oiseaux.
D’un barbaresque Azur la paix du Ciel s’incline.
Soleil dur ! Mort de l’ombre ! Et Silence des Eaux.

Marius ! son fantôme à travers les roseaux,
Par la plaine ! Un son lent de l’Horloge féline.
Quatre enfants sur la place où l’ormeau perd ses os,
Autour d’un Pauvre, étrange, avec sa mandoline.

Un banc de pierre chaud comme un pain dans le four,
Où trois Vieux, dans ce coin de la Gloire du Jour,
Sentent au rayon vif cuire leur vieillesse.

Babet revient du bois, tenant sa mule en laisse.
Noir, le Vicaire au loin voit, d’une ombre au ton bleu,
Le Village au soleil fumer vers le Bon Dieu.

Germain Nouveau

 

Germain Nouveau

La Doctrine de l’Amour

 

Charité

 

Nourrissez votre cœur du feu des charités,

Filles du Fils de l’homme, aux yeux pleins de clartés.

Aimez celle qu’un peuple appelle politesse.

Avant Notre-Seigneur, savoir vivre, qu’était-ce?

Quelque chose au dehors, mais au fond, presque rien.

Etre civilisé, c’est bien ; poli, très bien ;

La politesse, fleur de l’homme charitable,

Règle notre attitude et rit à notre table,

Et donne un sens exquis aux choses du repas.

Science qui s’apprend, et qui ne s’apprend pas :

Code intime et profond, né dans la quiétude

Du cloître, et dont le monde, après, fit son étude.

L’âme où passa Jésus toujours en garde un pli,

Et c’est encor rester chrétien qu’être poli,

La politesse est reine et fait son doux royaume

Des cœurs purs, c’est un lis royal qui les embaume !

Non celle qui se montre en chapeaux élégants,

Bien qu’un homme se lise aux couleurs de ses gants,

Ni celle qui fatigue, ou bien qui complimente,

Obligée à se taire à moins qu’elle ne mente :

Mais celle-là qui règne avec simplicité,

Qui sait servir le miel pur de la vérité;

Qui veut laisser chacun ou chacune à sa place,

Qui calme les transports, comme elle rompt la glace.

Parmi les charités, si légères au sol

Qu’elles foulent si peu, que l’on dirait un vol

Timide, à fleur déterre, ou d’ange ou d’hirondelle;

Au nom des tout petits qui soupent sans chandelle

Sous les arbres, les yeux dans leurs cheveux trop longs,

Et viennent d’Italie avec leurs violons ;

Du vieux joueur de flûte, aux mèches toutes grises,

Et du pauvre, à genoux sur le seuil des églises,

Qui marmotte une antienne ou qui froisse les grains

Du rosaire, à la fête où vont les pèlerins;

Parmi les charités, porteuses d’escarcelles,

D’un vers reconnaissant je veux célébrer celle

Qui passe en écoutant les plaintes des roseaux,

Et qui donne aux petits comme on donne aux oiseaux !

Fais ton miel admirable, ô reine des abeilles,

Charité, donne encor tes jours, ton cœur, tes veilles ;

Jésus multiplia les poissons et les pains.

Voyez, dans ce palais, dont les plafonds sont peints,

Où les lustres ont plus de branches que les arbres,

Où le peuple des sphinx taillés au cœur des marbres

Garde la cour sonore et les vastes paliers,

Château plein de frontons, d’urnes et de piliers,

Cette royale entant toute belle, qui foule,

Comme un jardin fleuri, l’éloge de la foule !

Eh bien, la charité qui lui parle à mi-voix

Saura lui retirer les bagues de ses doigts,

La perle éclose au coin de son oreille en flamme,

Sa chevelure où rit la gloire de la femme,

Sa chambre où le soleil allonge dans la paix

Sa large griffe d’or sur les tapis épais,

Ses miroirs éclatants, les servantes accortes,

Ce vestibule altier, plein de dessus de portes

Où des gens, dont le vent chiffonne le manteau,

Sont poudrés par Boucher et fardés par Watteau,

Et l’œil de ces bergers diseurs de douces choses,

Les grands vases de fleurs, où Sèvre a peint les roses!

Ses pieds si délicats chaussés de gros souliers,

Sa taille consacrée à d’humbles tabliers,

Sous sa coiffe de tulle et d’épingles légères,

L’enfant ira, parmi les âmes étrangères,

Fermer les yeux des morts, coudre le drap fatal,

Ou, sous les crucifix des murs de l’hôpital,

Au chevet d’un mourant dont la bouche blasphème,

Pour lui dire : « Je suis votre sœur qui vous aime! »

Cette charité-là se nomme amour divin,

Elle enivre les cœurs, plus forte que le vin.

Père des charités, dont le Père pardonne,

Jésus, ô doux Jésus, pour qu’enfin l’on se donne

A vous, dont on tient l’âme et le cœur que l’on a,

Vous qui changiez en vin l’eau claire de Cana

Qui chantait en entrant sonore au col des vases,

Changez la boue en or dans nos cœurs lourds de vases.

Vous qui rendiez la vue à ceux dont les bâtons

Tâtent le pied des murs, nous marchons à tâtons,

Et nous sommes des sourds, et la pierre est pareille

A nous. Maître, mettez le doigt sur notre oreille !

Vous, dont l’ordre, au soleil qui sur le peuple luit,

Tirait Lazare blanc des brunies de la nuit,

Seigneur, ressuscitez aussi nos cœurs de roche,

S’il est vrai, ô Seigneur, que votre règne approche !

Lien pour les photos de Pourrières, en hommage à Frère Humilis Germain Nouveau :

https://www.dropbox.com/sh/3pzpx9ddtrq6db2/AACmo89Et22RWNGs6cCM-5Lfa?dl=0

 

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