Un « petit » musée qui ne manque pas de caractères

Muriel Méchin montre une presse du XVII <sup>e</sup> siècle restaurée grâce à des planches de l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert

Trop peu visible, le musée de la Typographie fait revivre des siècles d’imprimerie grâce à son étonnante collection de presses et de plaques de gravures.

Ville pourtant soucieuse de son histoire, Tours fait assez peu de cas de son glorieux passé lié à l’imprimerie : aucune plaque ne rappelle l’installation de l’usine Mame, le « Creusot » littéraire du milieu du XIX esiècle, entre la rue Néricault-Destouches et la rue des Halles. Mame fut pourtant l’un des plus grands éditeurs européens. Christophe Plantin, né à Saint-Avertin au début du XVI esiècle, et qui a donné son nom à un grand musée de l’imprimerie à Anvers, n’est pas non plus souvent évoqué. Le musée de la Typographie ne les a pas oubliés, lui qui vit très discrètement dans la rue Albert-Thomas.

Des touristes égarés ou tout juste sortis de la cathédrale le découvrent, des classes viennent apprendre l’histoire d’avant l’ordinateur, mais peu de Tourangeaux le fréquentent. Dommage car ces deux pièces abritent un résumé de l’histoire de la typographie. Il condense une bonne partie de tout ce qui existe sous forme dématérialisé dans n’importe quel traitement de texte.

Invention chinoise du VI esiècle

Ces centaines de pièces, Muriel Méchin les a trouvées pendant plus de quarante années de collection. Entré en apprentissage à 14 ans à Château-Lavallière, ce fils d’agriculteur sait tout des caractères d’imprimerie, des presses (dont de petites pour faire soi-même des cartes de visites), des papiers. Après avoir été typographe, il a enseigné son métier à Lyon, la grande ville d’imprimeurs après Paris, puis au lycée Albert-Bayet. Avec lui, la visite tient du livre d’histoire et les crochets par Tours reviennent fréquemment. « Charlemagne a envoyé à Tours le moine Alcuin pour créer des ateliers de copistes, des scriptoriums, pour reproduire la fameuse caroline. Des moines écrivaient ; d’autres enluminaient avec du blanc d’œuf et de la feuille d’or. »
Au cœur du musée trône la fierté de Muriel Méchin : une presse du XVII esiècle, contemporaine du Tourangeau Abraham Brosse, l’un des plus grands graveurs de son temps . « Il était né du côté de la paroisse Saint-Saturnin, près de la place Plumereau. Ses personnages étaient toujours élégants car ses parents étaient tailleurs de vêtements. Balzac, né à Tours, a été imprimeur pendant deux ans à Paris. Il a fait faillite. Le fils de sa maîtresse racheta l’imprimerie et fit fortune avec les impressions Deberny. »
Dès qu’il cite une date, Muriel Méchin montre l’avancée technologique dont il est question. « La xylographie naît au VI esiècle en Chine avec des caractères sur du bois, suivie de la typographie en 1450, de la taille-douce en 1520, de la lithographie, avec la pierre, en 1796. Les deux dernières révolutions sont l’offset développée dans les années 1960 puis le numérique ».
Dans des vitrines, des plaques de gravures attendent le coup d’œil. « Le grand mérite de Gutenberg a été de trouver l’alliage des caractères, en plomb, étain et antimoine. Il s’est aussi inspiré du pressoir des vignerons pour imprimer sa célèbre Bible. »La trace laissée dans le papier porte d’ailleurs le nom de foulage. De temps en temps, des visiteurs, des copains, apportent de nouvelles pièces à Muriel Méchin pour enrichir ce fonds. Il pourrait peut-être en trouver lui-même sur la toile mais cet imprimeur reste fidèle à ses vieilles machines et n’a pas Internet.

Musée de la Typographie au 15, rue Albert-Thomas. Tél. 02.47.38.93.25.

Fabriqués ou offerts, des papiers à foison

Dès le début de la visite, Muriel s’attarde près de son bac à papier en forme de tonneau. Il attrape une boîte à œufs en carton, qui traîne par-là, et commence à la déchiqueter, en expliquant comment il fabrique ici son papier. Rien de plus simple, de l’eau, le carton des boîtes et « un mixeur de chez Emmaus », ici, c’est récup ! Et comme c’est facile, voilà l’activité idéale avec les scolaires. Muriel a aussi une collection de feuilles volantes venant d’un peu partout. Du papier d’algue, d’annuaire recyclé, d’écorce d’arbre, de peau d’agrumes ou du papier de lin incrusté de fleurs séchées ; des formes, des odeurs et des textures qui rendent la visite ludique. Les plaisantins retiendront plus volontiers le papier à crotte d’éléphant produit dans un moulin près de Carcassonne, comme son nom l’indique, à partir des déjections des pachydermes du zoo ! Les coquets et élégantes se souviennent du parchemin de poisson ou Galuchat « sur les sacs des grands couturiers ».

Rachel Saadoddine et Raphaël Chambriard

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