Quand la mode s’empare de la culture, et détourne l’objet-livre…

Jean-Denis Touzot réagit ici à un article du magazine Vogue qui évoque le relooking par Sonia Rykiel de sa boutique parisienne en « café littéraire parisien », transformée pour l’occasion à l’aide de « 50 000 livres authentiques » lors de la fashion-week de Paris, pour présenter sa collection automne-hiver 2015-2016.

« Quand la mode s’empare de la culture, et détourne l’objet-livre pour s’enorgueillir de son enveloppe virtuelle ! Quel est le contenu réel d’une telle exhibition, froide et statique, mais qui se veut complice de la clientèle censée franchir un haut lieu du pavé parisien ? Un clin d’œil environnemental et solidaire des nombreuses librairies de quartier et maisons d’édition de Saint-Germain des Prés ? La collection de poches anonymes évoquée sur place créerait-elle un lien direct, suggéré, avec la penderie d’une femme élégante accumulant de riches toilettes ? De quelle nature serait l’empathie voulue par l’architecte concepteur de cette mise en scène ? Le spectacle est bluffant et je dois avouer que beaucoup de librairies parisiennes ne peuvent avoir 50.000 livres en stock, faute de place ou de trésorerie ! Je crois pouvoir ajouter aussi que cette « installation » serait encore plus audacieuse, si l’on pouvait avoir accès à tous ces ouvrages et s’asseoir pour les feuilleter comme dans une bonne librairie. Cet exemple suffit à nous prouver que le livre-papier, s’il commence de s’effacer devant le numérique, exerce encore un pouvoir intemporel sur nos mentalités, mais qu’il ne faut pas abuser de sa faiblesse ! »

Jean-Denis Touzot, libraire

Voici le texte de l’article de Vogue en question :

« A l’occasion de la Fashion Week de Paris, Sonia Rykiel présentait sa collection automne-hiver 2015-2016 dans sa boutique du boulevard Saint-Germain, métamorphosée pour l’occasion en véritable café littéraire parisien. Un espace réalisé en collaboration avec Thomas Lenthal et André Saraïva, où les dernières collections de la maison sont présentées entre deux rangées de livres…

A l’occasion de la présentation de sa nouvelle collection automne-hiver 2015-2016, la boutique Sonia Rykiel de 550m², du boulevard Saint-Germain s’est offert un relooking. Un espace intime et cosy, inspiré des cafés littéraires du 6ème arrondissement, qui accueille les collections de prêt-à-porter, maroquinerie, souliers, accessoires textiles, bijoux et capsule enfant de la maison française, au milieu d’une bibliothèque fournie. Pour cette transformation originale, la directrice artistique de la maison Julie de Libran, a collaboré avec l’éditeur Thomas Lenthal et l’artiste André Saraïva, connu pour ses Love Graffitis. Ensemble, le trio a imaginé une boutique-bibliothèque, habillée de plus de 50 000 livres authentiques. Si le rez-de-chaussée s’orne d’imposantes bibliothèques en bois clair, présentes du sol au plafond, le 1er étage accueille quant à lui, des bibliothèques aux étagères rouges laquées, qui accueillent des ouvrages sur les arts visuels. Omniprésents, les livres se retrouvent également jusque dans les salons d’essayages, illustrés par de la littérature érotique. Pour accompagner les clients dans ce parcours, Julie de Libran a fait appel à Daniela Andrier, célèbre nez travaillant pour Prada, Guerlain ou encore Lancôme pour créer avec lui, un parfum d’ambiance mêlant avec harmonie l’eau de rose, la mandarine, le vétiver et le jasmin, pour rappeler l’innocence et la jeunesse. On retrouvera cette même signature olfactive dans les boutiques du quartier d’Aoyama à Tokyo et de Brook Street à Londres, qui seront elles aussi transformées en boutiques-bibliothèques, le 25 avril prochain. »

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