Exposition de Claude ROUCARD – Du 15 juin au 30 septembre

En 1976, l’exposition de Claude Roucard à la Galerie de France constitue la première étape d’importance d’une carrière s’annonçant particulièrement dense et diversifiée. D’un point de vue plastique , elle cristallise une expérience caractérisée par une pleine adhésion à l’abstraction picturale. Peinture si l’on veut, puisque le dispositif du tableau lui assigne sa configuration générale et sa frontalité ; bas-relief tout aussi bien, puisque les formes s’affranchissent de la bi dimensionnalité assumée du support ; monochrome, si l’on omet les multiples gradations colorées induites par la diffraction lumineuse sur les volumes arrondis.

C’est littéralement de « Formes » dont il s’agit, titre générique sous lequel Roucard, fort pertinemment, range cette séquence… Cette part d’œuvre se constitue « stricto sensu » en une vaste série dont les différents formants du dispositif sont stables. Seul le « motif » introduit une variante, indéfiniment décliné à la manière du thème central d’une « partita » musicale. Mettant à distance la peinture à l’huile et les modalités de la toile-subjectile, Roucard élit le papier comme aire d’action. Papier marouflé sur la toile ravalée à la fonction de support, mais n’abdiquant rien de sa tension fondamentale sur le châssis. Papier estampé, gaufré, s’extrayant de la toile non pas selon la convention du trompe-l’œil, mais par la vertu propre de sa matière rétive et de la boursouflure qui lui est infligée. La non-couleur visqueuse, des noirs et des gris, de l’encre d’imprimerie recouvre la surface à la manière d’une carapace lustrée et luisante, réactive à l’éclairage.

De cette matrice, le motif surgit, d’un bloc, à l’instar des formes-couleurs que Matisse faisait jaillir du papier monochrome gouaché par un « unique coup de ciseaux ». Les formes se veulent ici « sui generis », produits d’une nécessité interne sous-tendue par la prouesse technique – un savoir-faire inédit issu du marouflage. Abstraites à l’opposé d’informelles, la sensualité de leurs replis et de leurs rides refoule le péril d’une désincarnation sèche. D’un point de vue plus formel, les « Formes » imposent à la surface leur volume et leur masse, renversent le rapport séculaire quantitatif entre la figure extensive et le fond restreint. Au surplus, défiant les lois de la gravitation, elles s’ancrent à la limite supérieure du cadrage.

Pour lors, la forme est un pur produit de la substance qui dialogue avec l’artiste. L’une se conforme au désir obscur du second ; l’autre pactise avec la nature irréductible et première de la matière.

 

Claude FRONTISI  (La matière et les Formes)

 

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