L’Assassinat des livres
Par ceux qui œuvrent à la dématérialisation
du monde ( 397 pages – 25 euros )
Coordonné par Cédric Biagini
« Cerné de toute part, le livre est sommé de rentrer dans l’ordre numérique. Laboratoires du futur plus innovants que jamais, multinationales du Web, géants de l’électronique, pouvoirs publics et techno-enthousiastes œuvrent de concert pour faire disparaître ce petit « cube de papier » qui fait figure de fossile à l’heure où la culture numérique s’impose partout. Bien que sa liquidation ne se fasse pas aussi vite que prévu – le marché de l’e-book peinant à s’imposer en France –, les acteurs de la chaine du livre sont de plus en plus fragilisés, même si certains croient pouvoir transférer leur métier dans un monde qui n’a pourtant pas besoin d’eux. Et ce, alors que les modes de lecture induits par le livre, au fondement de nos façons de penser et de nos manières d’être au monde, sont aujourd’hui en crise. Le livre, dans sa linéarité et sa finitude, dans sa matérialité et sa présence, constitue un espace silencieux qui met en échec le culte de la vitesse, permet de maintenir une cohérence au milieu du chaos. Point d’ancrage, objet d’inscription pour une pensée critique et articulée, hors des réseaux et des flux incessants d’informations et de sollicitations, il est peut-être l’un des derniers lieux de résistance.
C’est ce que nous rappellent les libraires, bibliothécaires, éditeurs, auteurs, traducteurs et lecteurs, venus d’horizons divers, qui s’expriment dans cet ouvrage. Un peuple du livre, réfractaire aux illusions numériques, qui défend ce pour quoi il se bat au quotidien, à contre-courant des processus qui endommagent nos capacités de lecture, de contemplation, de réflexion, d’écoute et d’abandon esthétique, pourtant si nécessaires à la construction de soi et au bien-être collectif ».
Paru en 2015 aux éditions l’Echappée, ce livre de témoignages sur le danger que représente la civilisation à vocation totalitaire du numérique pour la survie du Livre-papier n’a pas pris une ride. Les problématiques et les statistiques qui y sont présentées n’ont nullement variées depuis quatre ans. Vous ferez un tour d’horizon de tous les possibles par le biais d’analyses faites uniquement par des professionnels qui vivent du et par le livre : éditeurs, libraires, bibliothécaires, lecteurs. Les deux derniers chapitres intitulés « Contre-discours » et « Ouverture » confortent l’impression d’objectivité qui se dégage au fur et à mesure de notre lecture. C’est une somme réfléchie et exhaustive qui vous aidera à garder une image positive de l’objet fétiche que nombre de nos contemporains s’apprêtent désormais à laisser péricliter.
Jean-Denis Touzot, libraire