Histoire du passage de Benoît-Joseph à Suze-la-Rousse :
Au « Siècle des Lumières »
Cette vie si particulière s’est déroulée au « Siècle des Lumières », celui de « l’émancipation et de la contestation intellectuelle » …
Benoît Labre a dérangé à son époque par son choix de vie. Même Napoléon III aurait dit de lui : « Pourquoi tant d’honneurs rendus à un maniaque ? ».
Et pourtant…
« Ce voyageur infatigable, ne contestant rien … n’exerçant aucun métier, résolu à vivre dans la plus austère pauvreté alors qu’on commence à vanter partout les vertus du capitalisme et de l’argent », se retrouve, si on se penche un peu sur sa vie, être à notre époque tout à fait d’actualité.
L’homme n’est pas devenu plus sage et son exemple devrait nous ouvrir les yeux.
Aujourd’hui
Il semble normal que l’on parle de lui en 2010. Ses prédictions se sont avérées, des miracles se produisent encore à la suite de neuvaines, prières ou messes faites à son intention, son aura dépasse les frontières …
Reconnu comme prophète pour certains, il fut chanté par les poètes, remarqué par les peintres qui, de son vivant, le prenaient comme modèle pour représenter le Christ. Saint Benoît-Joseph Labre est devenu le saint patron des SDF en France.
Il a donné naissance au premier syndicat chrétien.
Il est vénéré dans plusieurs pays du monde, en particulier au Canada où des villes portent son nom. Des centres d’accueil, des O.N.G. ont emprunté son patronyme.
Sa ville natale Amettes est devenue un lieu de pèlerinage ainsi que certains de ses oratoires. De nombreuses églises ont sa statue, voire un autel qui lui est consacré, et il est associé à Paris aux oeuvres de l’Abbé Pierre.
S’il a secoué un peu les consciences du XVIIIe siècle, il serait utile aujourd’hui de le prier pour rendre plus humaine notre société et freiner l’inconscience des hommes
sur notre monde que nous sommes en train de dénaturer, qu’il s’agisse de notre environnement comme de notre comportement avec notre prochain.
La Quête du Juste, « Sequela Christi »
Trop souvent nous avons tendance à croire que la quête de Dieu est hors de notre portée, qu’elle est exclusivement réservée à des êtres exceptionnels et que seuls les Saints ou des êtres à part, peuvent entrevoir cette recherche mystérieuse.
Je vais vous parler d’un d’homme, frêle et chétif, dont le coeur dévoré d’un feu ardent n’a vécu que pour cette quête, un homme comme vous et moi, au chemin de vie, déroutant et difficile. Il ne fut ni prêtre ni religieux, mais souhaitant ardemment le devenir, sans toutefois y parvenir, il sut mettre ses échecs au service de son idéal de vie. C’est au coeur d’une famille profondément croyante, attachée aux grandes valeurs humaines, intransigeante sur le comportement et la foi qu’il va grandir, avant de la quitter, le 12 août 1769, à l’âge de 21 ans. Il ne revint jamais plus en Artois après cette date.
« Si quelqu’un vient à moi, sans me préférer à son père, à sa mère, à sa femme, à ses enfants, à ses frères et à ses soeurs, et même à sa propre vie, il ne peut être mon disciple ».
Cet homme, c’est Benoît-Joseph Labre le pèlerin itinérant, bien évidemment loin de moi de traduire et de réécrire sa biographie car d’autres l’ont fait mieux que moi. Non, je voudrais vous montrer une partie des étapes, trop méconnues qu’il a parcourues dans son incessant pèlerinage, et qui se situe, dans diverses localités du sud de la France.
Là j’ai découvert beaucoup de « choses », animé par passion d’un travail souvent long et laborieux, dans des archives ou dans les traditions orales parfois très romancées que je rencontre au hasard de mes pérégrinations, qui visent avant tout à mettre en valeur la lumière et la foi qui émanent de cet homme de Dieu. Mais je le dois aussi aux personnes rencontrées ces derniers temps, qui m’ont permis, par leur générosité et leur gentillesse, d’accéder à davantage de renseignements sur cette période de vie du Saint homme. Il suffit parfois de trois mots simples dits au hasard d’une rencontre fortuite, pour commencer le récit touchant de ses péripéties.
« Les familles, qui donnèrent au Saint Pèlerin l’hospitalité, eurent bien des faveurs à son intercession ».
L’histoire commence en 1772, à Viviers, où nous trouvons Benoît-Joseph qui a franchi le Gard et se trouve de passage dans cette ville ardéchoise à la frontière du département de la Drôme et distante d’une vingtaine de lieues de Suze la Rousse. Il fut généreusement reçu au château, par l’aïeul de la famille Lafarge, dont l’activité familiale exploite une carrière de pierres utilisées dans la fabrication de la chaux dans la montagne Saint-Victor dominant le Rhône entre Le Teil et Viviers. Reçu un temps dans la propriété, il prit congé de ses hôtes en annonçant au maître de maison cette parole prophétique : « Cette montagne vous apportera grande richesse ». Quelques années plus tard, cette entreprise devint la célèbre cimenterie Lafarge. À viviers se dresse encore de nos jours, le long du Rhône, l’ancienne cité ouvrière des usines Lafarge, la cité Blanche, témoin de la prospérité apportée à la région par les entreprises Lafarge.
En préférant les routes de campagne, Benoît-Joseph après avoir quitté Le Teil, fait route vers Pierrelatte, ville où il résida quelque temps, hébergé au domaine de Beauplan où l’a reçu la famille d’Allard qui conserva dévotement tout ce qui lui avait servi.
La rencontre du Prêtre et du Pèlerin
Il a sans doute suivi la route qui longeait le Rhône. Cette route relie Saint-Paul-Trois-Châteaux, la cité la plus importante des villes du Tricastin à l’époque, à celle de Suze la Rousse. Lovée au pied de l’imposant château du XIIe siècle, et entourée par d’imposants remparts (« bari »), l’énorme masse de pierres, visible de tout le village et des alentours, accueille ce visiteur venu du pays d’Artois.
Après avoir franchi le Lez à l’entrée de la porte Nord de la cité, il aura très certainement emprunté la ruelle étroite et tortueuse de la « grand’rue », qui bordée de maisons aux façades obliques conduit à la vieille église paroissiale et à la chapelle Saint-Sébastien. Benoît-Joseph, après avoir parcouru vingt lieues sous un soleil ardent, étanche sa soif à la fontaine qui sert d’abreuvoir à l’antique relais de poste situé à quelques mètres de la « Casa Dei ». La porte de l’église est ouverte, il se met debout comme à son habitude à l’abri des regards, près d’un pilier, puis s’agenouille et dit quelques prières que nous n’entendons pas. La cloche sonne. Depuis toujours ses sonorités rythment la vie de la cité. C’est l’heure accoutumée qui marque la fin de la journée. À l’appel de Dieu, les villageois se rassemblent autour de l’autel pour y célébrer l’office des vêpres.
Au pied de la sainte table, le prêtre, en levant les mains, accueille ses paroissiens « Dominus Vobiscum ». Benoît-Joseph, uni dans la prière de l’assemblée, adresse cette réponse de reconnaissance et d’amour «Et cum spiritu tuo » … Le curé et ses paroissiens ont aperçu cet étranger au village et tous l’observent de loin, fascinés par les ruines de son étrange accoutrement, plongé dans un recueillement profond et angélique….
« Le curé et ses paroissiens ont aperçu cet étranger au village et tous l’observent de loin, fascinés par les ruines de son étrange accoutrement, plongé dans un recueillement profond et angélique…. Intrigué, le curé, vers la fin de l’office, se décide toutefois à aborder l’étrange pèlerin : ce prêtre est le Père Jean de Sérane, il vit dans la « grand’rue », à la naissance de laquelle s’ouvre l’église. Ses traits de piété et de générosité sont très connus dans la région. Le Père Jean enseigne le catéchisme aux enfants du village et passe pour un saint homme aux yeux des villageois qui l’ont, avec beaucoup d’affection, surnommé « L’Ami des Pauvres » . Il est l’image du bon pasteur, bienveillant ami des familles et protecteur des plus démunis. Il enseigne dans la paroisse par ses talents de prédicateur et d’érudit, membre de la Compagnie de Jésus et vicaire de Suze-la-Rousse. Jean est né à Perpignan le 9 Avril 1712 et c’est lui qui, à la fin de cette journée de 1772, accueillit le saint vagabond et passa avec lui toute la nuit en prières à ses côtés dans l’église. Le presbytère du bon Prêtre était très petit et il ne put donner l’hospitalité à Benoît-Joseph mais le confia à une pieuse famille qui sut l’accueillir comme il se devait ». Au début, Benoît-Joseph a réagi comme toujours, en déclinant humblement l’invitation mais ne sut résister à l’insistance du Prêtre, percevant sans doute l’ampleur du don auquel le Seigneur destinait le bon curé de Suze. La famille de Pierre Rouget, sur les indications du Père Jean, accepta d’offrir le gîte à ce vagabond pèlerin « Loués soient Jésus et Marie » leur dit-il en entrant
Quelques jours plus tard, à la porte nord de la cité, Benoît-Joseph prie de nouveau avec beaucoup de ferveur devant l’oratoire de la vierge de Bon Secours, sainte patronne et protectrice du lieu. Et il reprend sa route, « ailleurs » emportant dans son cœur et sa prière le souvenir heureux des moments partagés avec le Révérend Père Jean de Sérane. Onze années après sa rencontre avec le vagabond de Dieu « L’ami des pauvres » , qui se distingua par la sainteté de sa vie, finit par succomber à la fatigue d’une vie de charité et décéda à Toulouse le 17 Avril 1784 (1 an et un jour après la mort à Rome de Benoît-Joseph) dans sa 72ème année ; le Parlement ordonna que le « Père Jésuite » soit inhumé solennellement à Toulouse, dans l’église. Nul doute que l’esprit de charité qui habitait ce saint prêtre, aura contribué à éclairer la route et le cœur de Benoît-Joseph Labre … »
Lien pour les photos de Suze-la-Rousse village de la Drome provençale :
https://www.dropbox.com/sh/08svkz3d6gtfri7/AAD5gCYhxQZn6Osc-gVQjHA5a?dl=0